Plus de dix jours après être rentrée en France, voici mon rapport final. J’ai eu besoin de temps et de patience pour accepter mon retour. Accepter le fait qu’en seulement 6 heures d’avions, je me retrouve dans l’aéroport Charles de Gaulle entourée d’enseignes de marque, Dior, Chanel, Hermès, Mont Blanc, alors que 6 heures auparavant, je me trouvais dans un pays où l’on doit payer ses poches de sang lorsqu’on tombe malade et qu’on en a besoin.
J’ai passé cinq semaines au sein de l’association, cinq semaines qui m’ont parfois parues être une éternité et lorsque je suis rentrée j’avais l’impression d’être partie seulement un weekend.
En arrivant à 17h un 30 juillet, j’avais bien choisi mon horaire, c’est après une première Castel qu’a commencé mon intégration. Un ensemble de blagues douteuses sur le Nord a eu raison de mon appréhension et dès mon arrivée, je me suis sentie dans mon élément.
Quelques jours après être arrivée dans les locaux de l’association, j’ai fait la rencontre de Richard, un petit garçon qui se rend régulièrement à l’association, c’est un enfant de la rue, âgé de 9 ans. Quelques mois avant mon arrivé, Richard s’est fait renverser par une moto, qui a pris la fuite après l’impact. Il avait une plaie qui ne guérissait pas, les membres de l’association m’ont permis de l’emmener à plusieurs reprises à l’hôpital afin de lui faire passer des tests pour connaître la raison pour laquelle sa plaie ne guérissait pas. Après une radiographie, les médecins ont posé le diagnostic de la fracture ouverte qui a évolué en ostéite.
Le jour de mon départ, je me suis rendue une dernière fois au CHR de Tsévié, qu’à force je connaissais par cœur. Cette dernière visite nous a permis d’aller voir le chirurgien afin qu’il puisse suivre l’évolution de la plaie de Richard. Celui-ci nous a dit d’aller faire une analyse bactériologique. Je suis partie en sachant que l’analyse allait être faite le lendemain de mon départ.
Ce projet a pris une grande place dans mon séjour. Il prend toujours une grande place dans ma vie, car j’ai décidé avec les membres de l’association ainsi qu’avec une autre volontaire de me lancer dans la recherche de fonds pour financer sa prise en charge.
Ce petit garçon m’a profondément touchée, et même s’il était difficile de lui décrocher un sourire, ce n’était pas impossible.
J’ai tout de même eu la possibilité de travailler sur d’autres projets et surtout de voir l’aboutissement de deux d’entre eux.
Le premier projet qui a abouti était la réussite de la réinsertion professionnelle d’un jeune garçon âgé de 16, prénommé Modeste. Le processus de réinsertion s’est fait bien avant que je n’arrive sur le terrain, mais j’ai pu assister au commencement de l’apprentissage mécanique entrepris par le jeune homme. Tout au long de mon séjour, nous nous rendions régulièrement à l’endroit où travaillait Modeste pour effectuer un suivi de son apprentissage et surtout de son investissement dans celui-ci. Le garçon prenait très à cœur cette nouvelle vie permise par l’association. Cet aboutissement m’a beaucoup touchée car, il s’agissait de mon projet de départ, le projet Enfants de rue. Et même si je n’ai pas participé au développement du processus pour ce garçon en particulier, c’était très enrichissant de pouvoir observer la fin d’une prise en charge et surtout le terme d’un long travail.
Le second projet qui a abouti lorsque je me trouvais au sein de l’association, était le projet de la construction de latrine à Davédi. La construction des latrines a été faite à côté d’une école. Nous y sommes allés une première fois afin de peindre la façade de ces latrines, puis nous nous sommes rendus sur les lieux une deuxième fois pour y peindre la mention qu’il s’agissait d’un don commun entre deux associations. Enfin, nous y avons fait l’inauguration en présence du chef du village, des membres de l’association ainsi que du peintre qui nous a appris les gestes nécessaires à la réalisation de la peinture et qui nous a été d’un grand soutien.
Le fait de pouvoir suivre la finalisation de projets qui ont mis des mois à se faire, était réellement une chance pour moi. J’ai pu prendre pleinement conscience de l’engagement et du travail et de l’énergie qui ont été mis dans les projets.
En plus de ces projets j’ai été baignée dans la culture togolaise, que ce soit par les discussions que j’ai pu avoir avec les membres de l’association ou les personnes qui venaient dans les locaux de l’association. Ces discussions autour de la politique, de la culture, m’ont permis d’avoir un véritable échange culturel.
C’est une véritable chance que le bureau soit composé uniquement de locaux car les volontaires sont imprégnés par cette culture si différente de la nôtre. Cette culture nous est montrée sous différents aspects notamment avec la possibilité de faire du tourisme, toujours entourés par les membres de l’association qui se démènent pour nous expliquer, voire nous trouver des guides capables de nous faire visiter différents sites historiques ou simplement touristiques.
Il est important de préciser que le tourisme n’est pas la seule manière pour prendre toute la mesure de la culture togolaise. En effet, les cours de danse dispensés par les membres de l’asso ou par les volontaires durant les soirées, m’ont fait prendre la pleine mesure de mes lacunes rythmiques. Mais bon, lorsqu’on part du bas, on ne peut que s’améliorer…
Mis à part tout cela, ce que j’ai découvert ne peut se résumer en une, deux ou dix pages Word. Je vais donc achever mon rapport ici, car la seule solution pour prendre pleinement conscience de ce que j’ai vécu durant ces cinq semaines, serait de venir faire un tour dans ma tête.
En tout cas, j’ai été émerveillée par un grand nombre de choses, parfois étonnée ou encore décontenancée. Je suis passée du rire aux larmes en traversant des phases de profond vide, des moments d’énervements, d’intenses colères et de joie extrême. Si on me demande de résumer mon séjour en seulement trois mots : une montagne russe émotionnelle. Ce séjour n’a pas été assez long, c’est une certitude pour moi. Cinq semaines, ce n’est rien, mais en même temps, chaque jour est une épreuve et j’ai pu découvrir une autre manière d’appréhender les choses. Et encore aujourd’hui en rédigeant ce rapport, assise sur ma chaise, de nombreuses paroles font encore écho dans ma tête. Je ne l’ai pas écrit d’une traite, il m’a fallu du temps pour savoir quels termes utiliser, ce que j’allais pouvoir raconter. Aujourd’hui, je me rends compte que la langue française est bien faible pour qualifier ce que j’ai vécu là bas.
Une seule chose me pousse à avancer. La certitude que je serai très bientôt de retour, en ayant un objectif, en ayant fait mûrir et grandir les choses que j’ai apprises là bas et qui m’ont été offertes.
– Amélie Journeau